Causes supplémentaires d’agitation et manières de stabiliser la bodhichitta

Versets 4 à 6

Verset 4 : Diminuer l’agitation de l'esprit en ayant peu de désirs

Faites que je me débarrasse du (désir pour) les gains matériels et les honneurs, et me désintéresse pour toujours du (désir pour) le profit et la renommée. Faites que j’aie peu de désirs, me contente et montre de la gratitude pour les actes de bienveillance qui ont été accomplis.

Ne pas se préoccuper des gains matériels, des honneurs, du profit ou de la renommée

L'un des plus grands obstacles à la méditation est l’agitation de l'esprit, qui est due non seulement à l'attachement aux objets sensoriels désirables, mais aussi à la recherche du gain matériel, des honneurs, du profit et de la renommée. Il est très important, d'une manière générale, de se débarrasser de ces désirs puissants, mais il est particulièrement important de le faire lorsque nous pratiquons la méditation. Nous ne pourrons jamais nous isoler et méditer centré en un point si nous pensons toujours à ce genre de choses.

D'une manière générale, lorsqu’il s’agit de réfléchir à ce que nous devons étudier et à ce à quoi nous devons consacrer nos efforts, nous insistons sur l'importance de donner la priorité absolue à l'étude et à la pratique de ce qui sera bénéfique pour notre esprit, et non pour notre compte en banque. Notre compte en banque est quelque chose que nous ne pourrons pas emporter avec nous dans nos vies futures, tandis que les habitudes bénéfiques que nous développons dans notre esprit se poursuivront dans nos vies futures. Les priorités que nous accordons aux choses sont donc très importantes.

La tranquillité d'esprit que procure le contentement

Bien sûr, nous devons pouvoir vivre décemment, nous devons pouvoir subvenir à nos besoins. Mais pour cela, la ligne suivante dit : « Faites que jaie peu de désirs et me contente. » Sinon, nous ne serons jamais satisfaits de ce que nous avons, ce ne sera jamais assez. D'un autre côté, si nous avons des richesses matérielles, nous pouvons faire beaucoup de choses positives dans le monde. Si l'argent est quelque chose qui nous vient facilement, ou si nous sommes nés avec, nous pouvons l'utiliser pour aider les autres. Néanmoins, l'acquisition de richesses et de biens n'est pas notre objectif principal.

Par exemple, comme l'a fait remarquer l'un de mes amis, lorsque Tsongkhapa a écrit ses grandes œuvres, il ne pensait pas au nombre d'exemplaires qui allaient être vendus, aux droits d'auteur qu'il recevrait ou au nombre de personnes qui liraient ses livres. Seule l'histoire peut juger si les œuvres sont utiles ou non. On écrit donc simplement pour être bénéfique aux autres. Si d'autres s’y intéressent et trouvent nos écrits bénéfiques, c'est tant mieux.

C'est comme lorsque vous mettez de la nourriture pour les oiseaux dans votre jardin. Si les oiseaux viennent et en mangent, c'est très bien. Vous n'avez pas besoin de mettre un grand panneau pour annoncer que vous nourrissez les oiseaux. Je trouve ce conseil très utile. Vous offrez au monde ce que vous avez de positif. Si les gens en profitent, c'est très bien. S'ils ne le font pas, vous aurez au moins essayé. Le Bouddha ne publiait pas d’annonces pour ses conférences dans les journaux.

Avoir de l'argent et beaucoup de biens matériels peut être un obstacle majeur. Souvent, plus nous possédons, plus nous sommes possessifs et avares. Nous craignons de nous faire voler nos biens. De plus, il devient très difficile de déménager parce que nous avons trop de biens. Comme le soulignent les vœux monastiques, il est important d'avoir très peu de choses. Nous ne sommes pas obligés d'aller jusqu'à l'extrême de ces vœux, néanmoins, nous pouvons nous inspirer de ce qu’a dit Milarépa : « Il n'y a rien à voler dans ma grotte. Je n'ai rien, donc je ne m'inquiète pas des voleurs. »

C'est la même chose avec la renommée et les honneurs. Plus on est célèbre, plus on est dérangé par les gens. On ne peut pas se promener sans qu’ils nous demandent un autographe, il faut se déguiser pour échapper à leur attention. Les gens nous envoient constamment des courriels, nous posent des questions ou nous demandent de faire ceci ou cela. Nous nous retrouvons alors dans la position très délicate de devoir dire « non ». C'est très difficile pour quelqu'un qui s'efforce d'être Avalokiteshvara et d'aider tout le monde. Vous devez engager un secrétaire pour dire « non » à votre place.

Être reconnaissant pour la bienveillance que nous avons reçue est un moyen d’alléger et d'ouvrir nos cœurs

La dernière ligne de ce verset est la suivante : « Que je montre de la gratitude pour les actes de bienveillance qui ont été accomplis ». Si nous avons été en mesure de pratiquer le Dharma, et nous parlons ici de méditer sur la bodhichitta, à la fois conventionnelle et plus profonde, il est très important d'être reconnaissant pour la bienveillance dont les autres ont fait preuve à notre égard. Nous avons reçu beaucoup de bonté pour pouvoir recevoir des instructions et bénéficier des conditions nécessaires à la méditation et à la pratique. Il peut par exemple y avoir des gens qui nous soutiennent financièrement, qui nous fournissent de la nourriture ou autre.

Si nous avons ce genre d'opportunités, nous ne les rejetons pas. Autrement dit, nous devons en faire le meilleur usage possible sans en abuser. La meilleure façon de les utiliser consciencieusement est de montrer notre appréciation pour toute la bienveillance que nous avons reçue, d’être reconnaissant. En outre, si nous sommes en mesure d'aider les autres en retour, nous le faisons sans nous sentir redevables ou obligés. « Maintenant, je suis tenu de rembourser. Si je ne le fais pas, je suis coupable », etc. Nous le faisons plutôt avec un sentiment de grande joie, d'appréciation et de respect pour ceux qui nous ont tant aidés.

De plus, le fait de se sentir très positif par rapport à toute la bonté que nous avons reçue rend notre cœur beaucoup plus léger lorsque nous essayons de méditer. En fait, si nous ne ressentons pas cela, nous ne pourrons pas avoir les circonstances qui nous permettront de méditer et de pratiquer. Nous apprécions donc la bonté qui nous est donnée, sans nous sentir coupables ou en conflit avec elle. Et si nous le pouvons, nous la rendons d'une manière ou d'une autre, même si tout ce que nous pouvons faire pour la rendre est de méditer et de pratiquer correctement. Comme Milarépa l'a dit à Marpa : « Je n'ai rien d'autre à vous offrir en retour que ma pratique. Je n'ai aucune possession matérielle. »

Ceci est également très utile pour pouvoir méditer avec un cœur léger et un état d'esprit libre et joyeux. Il est très important pour la méditation sur la bodhichitta et la compassion de ressentir de la joie envers les autres. Lorsque nous pensons à ceux qui nous ont aidés, nous ressentons de la joie et de la gratitude, et non de la culpabilité ou un sentiment de redevabilité. En ce qui concerne les êtres qui souffrent, nous imaginons qu'ils deviennent heureux, après tout, nous essayons de leur apporter le bonheur. C'est donc toujours dans un état d'esprit joyeux que nous pratiquons la méditation.

Comment pouvons-nous méditer sur l’amour, en souhaitant que les autres soient heureux, si nous sommes malheureux ? La méditation doit être fondée sur un état d'esprit heureux, un état d'esprit que nous voulons partager. C'est la base même de tonglen, la méditation de prendre et donner. Pour donner, il faut avoir quelque chose à donner. Pour donner du bonheur aux autres, nous devons être capables de nous remémorer la nature de félicité fondamentale de l’esprit, de l'examiner au niveau le plus profond. Ceci est lié au verset suivant, dont voici la première moitié :

Verset 5 : Stabiliser notre objectif de bodhichitta

Stabiliser notre objectif de bodhichitta par l'amour, la compassion et l'absence de découragement

Permettez-moi de méditer sur l'amour et la compassion et de stabiliser mon objectif de bodhichitta.

Comme je le disais, comment pouvons-nous avoir de l’amour pour les autres et souhaiter leur bonheur si nous n'avons pas nous-mêmes un état d'esprit heureux ? Même d'un point de vue égoïste, comment pouvons-nous espérer que les autres nous aiment si nous ne les aimons pas ?

Nous devons donc stabiliser notre objectif de bodhichitta. Ce qui stabilise cet objectif, c'est d'avoir un amour très fort, le souhait que les autres soient heureux et aient les causes du bonheur, ainsi que la compassion, le souhait que les autres soient libérés de la souffrance et des causes de la souffrance. Nous méditons pour avoir les deux au même niveau comme dans le cas de la grande compassion. L’amour et la compassion s'adressent tous deux à tous les êtres limités.

Ensuite, il y a la résolution exceptionnelle, qui n'est pas simplement le fait de vouloir apporter le bonheur à tout le monde et de les aider à se débarrasser de la souffrance et à les conduire à l'illumination, mais aussi de prendre la décision inébranlable de le faire. Nous en prenons l'entière responsabilité et nous nous engageons à tout faire par nous-mêmes si nécessaire. C'est cette décision qui va stabiliser notre objectif de bodhichitta.

Il est également important de réaffirmer et de renforcer cet objectif de bodhichitta en permanence, car il est très facile de se décourager. L'exemple du disciple du Bouddha, Shariputra, en est la preuve. Un jour, une sorte de Mara (de démon) est venu demander à Shariputra de lui donner sa main droite. Ce dernier s'est donc coupé la main droite et l'a offerte de la main gauche, ce qui est considéré comme sale et impoli dans la culture indienne. Le démon refusa la main droite parce qu'il l'avait offerte de la main gauche. Shariputra fut alors très découragé par la bodhichitta et la volonté d'aider les autres. Pour éviter ce type de découragement, nous devons constamment réaffirmer notre motivation, cet amour et cette compassion.

Un autre exemple excellent nous vient du récit de la vie de Dignaga. Dignaga est le grand maître bouddhiste qui a écrit sur la logique. Il était parti vivre dans une grotte pour écrire son texte, Compendium sur la connaissance valide (Skt. Pramana-samuccaya). Alors qu'il était sorti de la grotte pour on ne sait quelle raison, peut-être pour chercher de la nourriture, quelqu’un est entré et a effacé tout ce qu'il avait écrit. Cela s'est produit deux fois de suite. Il a donc dû réécrire son texte.

Cela est également arrivé à Marpa. Il avait achevé toutes ses traductions en Inde. Alors qu'il traversait le Gange pour retourner au Tibet, le bateau s'est renversé et il a perdu tout son travail dans le fleuve. Il a donc dû retourner en Inde et tout recommencer. De la même manière, lorsque nos fichiers numériques sont effacés par erreur, nous ne devons pas nous décourager.

Dignaga a laissé une note à la personne qui avait tout effacé, disant : « S'il vous plaît, si vous n'aimez pas ce que j'écris et que vous voulez débattre avec moi, venez m'affronter en personne. » La personne est donc venue pour débattre avec lui. C'était le genre de personne qui refusait d'accepter la logique : quel que soit l'argument logique donné par Dignaga, elle le dénigrait. Et comme elle avait le pouvoir de cracher du feu par la bouche, elle enflamma la grotte de Dignaga et détruisit tout. Dignaga se découragea et jeta en l'air l'ardoise sur laquelle il écrivait. Il dit : « Si elle tombe par terre, j'abandonne la bodhichitta. » Alors qu'il lançait l'ardoise, Manjoushri l'attrapa pour qu'elle ne tombe pas au sol et il dit : « Dignaga, tu fais une grave erreur. Ne renonce jamais à la bodhichitta, et ne renonce jamais à écrire ces choses pour le bénéfice des autres. » À la suite de cet épisode, Dignaga finit par écrire ce grand texte.

On dit que l'ardoise que Dignaga a utilisée pour écrire ce texte se trouvait au Tibet. Elle était conservée dans un endroit situé à l'extérieur de Lhassa et, chaque hiver, les moines des principaux monastères Guéloug se rendaient en ces lieux pendant deux mois pour étudier le Compendium sur la connaissance valide, et pour en débattre.

Il est donc très important de ne pas se décourager lorsque, par exemple, nous perdons nos fichiers numériques ou lorsque nous passons énormément de temps à faire quelque chose que quelqu'un nous a demandé parce que nous voulons vraiment l'aider, et qu'à la fin, il nous dit : « Je ne veux pas de ça. Je n'aime pas ce que tu as fait. » Ce qui compte, c'est le souhait d'aider les autres. Le fait que ce que nous faisons aide ou non les autres dépend en grande partie de leur karma. Même le Bouddha n'a pas pu aider tout le monde, même s'il avait le souhait et l'intention d'aider tous les êtres.

Il est très facile de se décourager sur la voie du bodhisattva. C'est pourquoi nous devons stabiliser notre objectif de bodhichitta en réaffirmant toujours notre motivation. Je me souviens d'un conseil. Je crois que c'est Guéshé Ngawang Dhargyey qui a dit que lorsque nous demandons à un lama de prier pour nous, nous ne lui demandons pas de prier pour que nous trouvions un emploi ou pour que nous obtenions telle ou telle chose matérielle. Nous demandons au lama de prier pour que nous puissions développer la bodhichitta. C'est la meilleure demande que nous puissions faire.

Stabiliser notre objectif en accumulant de la force positive

Faites donc que je me débarrasse des dix actes destructeurs, et que je sois stable, toujours, en accordant crédit aux faits.

Cette partie du cinquième verset est liée au fait que nous devons accumuler une énorme quantité de force positive en aidant réellement les autres si nous voulons être stables dans notre objectif de bodhichitta, qui est d'aider tous les êtres. Pour ce faire, nous devons nous abstenir d'agir négativement, d'agir de manière destructive. Ainsi, pour s'assurer que notre objectif de bodhichitta reste stable et que nous avons de plus en plus de force positive, nous nous débarrassons des dix actes destructeurs.

Ceux-ci sont, brièvement :

  • Les trois actes destructeurs du corps
    • Prendre la vie d’autrui
    • Prendre ce qui ne nous a pas été donné
    • S’engager dans des conduites sexuelles inappropriées
  • Les quatre actes destructeurs de la parole
    • Mentir
    • Semer la discorde. Médire sur les autres afin de les éloigner les uns des autres
    • Avoir des paroles dures. Dire des choses qui blessent les sentiments d'autrui
    • Bavarder sans raison. Perdre son temps et celui des autres avec des bavardages insignifiants et interrompre les autres avec nos bavardages insignifiants alors qu'ils sont en train de faire quelque chose de positif.
  • Les trois modes de pensée destructeurs
    • Penser avec convoitise. La « convoitise » signifie désirer très fortement, par jalousie, ce que les autres ont. Il ne s'agit pas seulement de désirer obtenir quelque chose de semblable à ce que l'autre personne possède, mais de vouloir obtenir quelque chose d'encore mieux. Cela implique donc un sentiment de compétition. L'action destructrice consiste à y penser tout le temps, nous pensons constamment à obtenir quelque chose ou quelque qualité et nous complotons pour y parvenir.
    • Penser avec malice. Penser et comploter sur la manière de faire du mal à quelqu’un ou comment se venger de lui pour quelque chose qu'il a fait.
    • Penser de manière retorse avec un esprit de contradiction. Ne pas simplement penser quelque chose qui est contraire à ce qui est vrai et correct, comme de dire : « Il ne sert à rien de suivre un chemin spirituel. Il ne sert à rien d'essayer d'aider les autres », etc., mais se montrer belliqueux vis-à-vis de ces positions. Autrement dit, se disputer avec les autres et les rabaisser d'une manière très agressive. C'est pourquoi j'appelle cela une pensée déformée et antagoniste.

Tous ces actes destructeurs de l'esprit font référence à des façons de penser. Il s'agit d'actes tels que s'asseoir et manigancer : « Comment puis-je obtenir une meilleure voiture que celle de mon voisin ? » ou « Cette personne m'a fait du mal. Qu'est-ce que je vais pouvoir lui dire qui la blessera vraiment la prochaine fois que je la verrai ? » Ou encore : « Untel se rend aux enseignements du Dharma alors que je voudrais qu'il soit à la maison avec moi. Que vais-je dire pour lui faire comprendre que ce qu'il fait est ridicule et qu'il devrait plutôt rester avec moi ? » Nous restons assis là, à ressasser ce qu’a fait l'autre personne, à penser que c'est terrible et à nous mettre très en colère, à tel point que si la personne revenait, nous aurions envie de la frapper pour nous avoir abandonné afin d'aller suivre les enseignements du Dharma.

Voilà donc les dix types d'actes destructeurs dont nous devons nous débarrasser afin d'accumuler de plus en plus de force positive. Cette force positive nous aidera non seulement à obtenir la libération, mais aussi à atteindre l’illumination.

Pour nous abstenir d'agir de manière destructrice, nous devons être stables, toujours, en accordant crédit aux faits, à savoir la croyance en la véracité des lois de causalité karmique, afin que nous maintenions notre discipline éthique.

Verset 6 : Éviter de repousser les autres en voulant les aider

Éviter de repousser les autres en se mettant en colère ou en étant arrogant

Faites que je surmonte ma rage et mon orgueil et parvienne à faire preuve dhumilité.

Pour pouvoir réellement aider les autres sur la base de la bodhichitta, nous devons éviter de les repousser. Si nous nous mettons toujours en colère, si nous nous emportons sans cesse et sommes enragés, les autres auront peur d'être en notre présence, ils craindront que nous fassions un scandale et que nous nous mettions en colère contre eux. De même, si nous sommes très orgueilleux et arrogants, les gens ne voudront pas être en notre présence. Si nous insultons toujours les autres parce que nous sommes en colère et que nous les traitons mal, pourquoi voudraient-ils être avec nous ?

De même, comment pourrions-nous aider les autres si nous agissons toujours sous l'effet de la colère et de l'orgueil ? Il est important de surmonter ces émotions si nous voulons être en mesure d'aider les autres, sans parler de la souffrance que ces états d'esprit négatifs nous causent à nous-mêmes. Il est également important de faire preuve d'humilité, ce qui consiste essentiellement à respecter les autres et à les traiter avec bienveillance. C'est la même chose quand on se plaint tout le temps : qui voudrait être avec nous ? C'est désagréable, n'est-ce pas ? Par exemple, en vieillissant, nous avons bien sûr des douleurs et nous ne pouvons plus faire ce que nous faisions avant. Mais si nous restons humbles et ne nous plaignons pas tout le temps, nous ne ferons pas fuir les gens.

L'aspect qui concerne l’entraînement à la sensibilité est également abordé ici. Par exemple, si nous sommes trop sensibles et que nous nous sentons facilement blessés par tout ce qu’on nous dit, personne ne voudra être avec nous. Les gens auront peur que nous nous énervions, que nous pleurions, que nous fassions une scène, etc. Ainsi, lorsque nous pensons réellement à la bodhichitta, en voulant aider les autres, il est important d'être conscient de la façon dont notre comportement et nos attitudes peuvent repousser les autres et les rendre non réceptifs à notre désir de les aider.

Ce type de sensibilité concerne également notre apparence. Nous essayons d'éviter d'être sales, négligés ou tout ce qui pourrait repousser les personnes qui nous entourent ou que nous fréquentons. D'autres instructions, qui ne sont pas exposées ici, mais qui font partie des vœux secondaires de bodhisattva, disent que tant qu'une coutume n'est pas destructrice ou négative, nous devons l'accepter. Nous suivons les coutumes que les gens de cette société suivent. Ainsi, si les femmes en Inde ne se promènent pas en minijupe, lorsque nous sommes en Inde, nous ne nous promenons pas en minijupe, sinon, personne ne voudra s'approcher de nous, et ceux qui voudraient s'approcher de nous ne viendraient pas nécessairement pour recevoir des enseignements sur le Dharma.

Éviter de donner des conseils peu pratiques ou d'être malhonnête

Faites que je me débarrasse des moyens de subsistance malhonnêtes et que je subvienne à mes besoins en accord avec le Dharma.

Certaines traductions parlent de « moyens de subsistance erronés ». Il y a deux aspects à cela.

Le premier consiste à utiliser des moyens malhonnêtes pour gagner sa vie. J’ai une anecdote intéressante à ce sujet. Je traduisais ce jour-là pour Ugyen Tséten Rimpotché, un grand lama qui vient parfois à Berlin. Il est l'ancien abbé du Collège tantrique inférieur et l'un des principaux maîtres de mon maître Guéshé Ngawang Dhargyey. Je traduisais ses enseignements en Australie, et une personne l'a interrogé sur le fait de se débarrasser des mauvais moyens de subsistance, point qui est abordé dans ce verset. Cet homme a expliqué : « Je vis dans la campagne australienne où la seule industrie est l'élevage de moutons pour la viande. Que puis-je faire d’autre, puisqu’il n'y a pas d'autre travail disponible ? S’agit-il d'un mauvais moyen de subsistance ? S'agit-il d'un moyen de subsistance malhonnête ? »

Ugyen Tséten Rimpotché a alors expliqué que l'essentiel était de ne pas tromper les autres. Nous ne pouvons pas dire que l'élevage de moutons est une activité totalement négative en soi. Si nous les abattons, c'est autre chose. Cependant, si nous les élevons simplement, il s'agit d'être gentil avec les moutons, de leur rendre la vie aussi confortable que possible et de ne pas tromper les personnes qui achètent les moutons en faisant de la publicité mensongère et d'autres choses de ce genre. Bien sûr, il vaut mieux essayer de trouver d'autres moyens de subsistance, mais si c'est absolument impossible, l'essentiel est d'avoir une bonne motivation et d'être honnête. C'est, selon lui, la principale raison pour laquelle il faut éviter ce que l'on appelle les « moyens de subsistance erronés », ce que je traduis par « des moyens de subsistance malhonnêtes ».

J'ai trouvé que Ugyen Tséten Rimpotché faisait preuve d'une incroyable ouverture d'esprit. C'était aussi un moyen habile de ne pas proposer des alternatives plus radicales que les gens ne peuvent pas suivre et qui ne feraient que les culpabiliser. Dans ce cas, ils penseraient que ce qu'ils font est mal et que tout le monde devrait changer, ce qui, bien sûr, ferait se sentir très mal toutes celles et ceux qui élèvent des moutons et les rendrait probablement très peu réceptifs au Dharma. En tant que moyen habile, on commence donc par dire que l'essentiel est de ne pas être malhonnête.

Cela nous renvoie également à l'idée de ne pas amener les autres à nous rejeter de but en blanc. Si nous voulons aider les autres à vivre en accord avec les enseignements du Dharma, nous devons leur suggérer des moyens qu'ils peuvent réellement suivre. Si nous leur présentons quelque chose qui est presque impossible à suivre, ils n'essaieront même pas. Ils penseront simplement que nous sommes des idéalistes et que nous sommes totalement déconnectés de la réalité. C'est un conseil très important à retenir, surtout quand on est jeune dans le Dharma. Lorsque nous sommes jeunes dans le Dharma, nous avons tendance à être moralisateurs et à donner des conseils aux gens comme si nous étions des êtres saints leur délivrant les règles les plus nobles du comportement éthique à suivre. Encore une fois, il s'agit d'être humble et pragmatique.

Les façons malhonnêtes d'obtenir quelque chose des autres

L'autre aspect des moyens inappropriés ou malhonnêtes de gagner sa vie se présente sous la forme d'une liste de cinq moyens malhonnêtes :

  • La flatterie. L’exemple généralement utilisé est celui des moines ou des nonnes qui demandent l'aumône, mais nous pouvons également citer l'exemple des collectes de dons organisées pour pouvoir nourrir les moines et les nonnes dans les monastères. Vous adoptez une attitude flatteuse pour que les gens vous donnent quelque chose, en disant des choses comme : « Oh, vous êtes si merveilleux et si gentils. »
  • Faire pression. Se montrer pressant et ennuyer constamment les autres : « Pourquoi ne donnez-vous pas ? Pourquoi ne donnez-vous pas ?! »
  • L’extorsion. Obtenir quelque chose par la force ou la menace, ou en culpabilisant les autres : « Vous avez donné la dernière fois. Regardez tous les moines qui meurent encore de faim. »
  • La corruption. « Si vous donnez une certaine somme d'argent, nous vous donnerons un grille-pain », ou quelque chose de ce genre. Vous leur donnez quelque chose de petit pour obtenir quelque chose de grand en retour.
  • La prétention. Prétendre que l'on est tellement saint et essayer d'impressionner les autres par sa grandeur pour qu'ils nous donnent quelque chose.

Il est dit que si nous vivons de revenus et d'offrandes obtenus de l'une ou l'autre de ces façons, les prises de conscience et les connaissances que nous avons acquises dans notre pratique du Dharma se détérioreront.

Il est très intéressant de constater que, dans la discussion bouddhique sur les moyens inappropriés ou malhonnêtes de gagner sa vie, le meurtre, la fabrication d'armes, la chasse, etc., ne sont nulle part mentionnés. Bien que l'on puisse les considérer comme des exemples de moyens de subsistance inappropriés, ils n'ont rien à voir avec le point principal dont il est question ici. L'essentiel est de ne pas être malhonnête. Ainsi, si nous cultivons ou fabriquons un produit quelconque, que nous soyons agriculteurs, sculpteurs ou autres, il ne s'agit pas de le vendre de manière malhonnête, en faisant pression sur quelqu'un pour qu'il l'achète, en prétendant que nous sommes géniaux, en utilisant la publicité mensongère ou la flatterie, etc. « Si vous voulez être très intelligents, vous achèterez mon produit » « Si vous voulez attirer toutes les femmes ou tous les hommes du monde, vous achèterez mon produit ». La plupart des publicités usent de ces stratégies. De même, comme je l'ai déjà dit, les élections en Occident s’appuient souvent sur le principe suivant : « Je suis tellement merveilleux, et l'autre personne est si mauvaise, alors, votez pour moi ! »

Trois manières de croire au karma

Tout cela repose sur le crédit que nous accordons aux faits, qui concernent la causalité comportementale, c’est-à-dire la causalité karmique. Croire en un fait, c'est croire en quelque chose qui existe et qui peut être validement connu, ou considérer comme vrai un fait concernant une telle chose. La croyance en un fait est de trois sortes :

  • La croyance lucide en un fait. Nous considérons le fait de la causalité karmique comme vrai et, ce faisant, nous libérons notre tête et notre cœur des émotions perturbatrices telles que la culpabilité, l'avidité, etc. Ces émotions perturbatrices nous pousseraient à commettre l’un des dix actes destructeurs ou à nous engager de manière inappropriée pour gagner notre vie. La réflexion sur les causes et les effets élimine ce type d'avidité : « Je dois gagner toujours plus, même si cela signifie gagner ma vie de manière malhonnête. »
  • La croyance en un fait fondée sur la raison. Si nous croyons que la causalité comportementale est vraie, est-il logique de tromper les autres pour gagner plus d'argent si notre motivation est de les aider ? Il est évident que cela n'a pas de sens.
  • La croyance en un fait accompagnée d’une aspiration. Sur la base de la croyance en la réalité de la causalité comportementale, nous avons alors l'aspiration de toujours agir de manière constructive et d'éviter les manières inappropriées de gagner notre vie.
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